Placer sur le réseau léditorial dune revue sur CDROM. Peu banal. Et pourtant dans la droite ligne de la tradition éditoriale dalire. La revue a toujours réalisé une distinction entre les oeuvres qui nécessitaient le support informatique lors de la lecture, et les informations qui pouvaient être portées sur papier. Dans les numéros précédents, les disquettes ou CDROM étaient ainsi accompagnés dun livret ou dun livre. Le WEB a modifié cette donnée. Si la revue est connectée, pourquoi ne pas transférer le livret en ligne ?
Trahison et négation des spécificités du réseau ? Les auteurs qui créent pour le réseau se poseront peut-être la question. La toile a initialement, et reste toujours fortement, une immense bibliothèque à ciel ouvert, offerte à tous les regards. Le dispositif informatique off-line était un outil de calcul, il a donné naissance à des oeuvres qui calculent et fabriquent en temps réel. Le réseau est monde dinformation, pourquoi ne donnerait-il pas naissance à des oeuvres qui jouent de linformation ? Je ne prétends pas, bien sûr, quun éditorial en ligne soit une telle oeuvre. Mais cest bien le rôle de bibliothèque-médiathèque que font jouer au WEB les auteurs qui proposent des animations ou des oeuvres mixes texto/sono/visuelles. Lintérêt de telles oeuvres repose sur ce qui donné à voir ou sur la surface du dispositif hypertextuel propre à la structure dune oeuvre html mais plus du tout sur la profondeur du dispositif. Cest ce qui ressort du site local du CDROM.
Une oeuvre y fait exception : " tue-moi " dEric Sérandour. Cest la seule qui joue sur cette profondeur du dispositif. Cette profondeur est constituée de tous les présupposés avec lesquelles le lecteur aborde et guide sa lecture. Or ceux-ci sont différents selon que loeuvre est effectivement sur réseau ou ne lest pas. Cest justement ce simple transfert de loeuvre dÉric entre un site réellement sur le réseau et un site sur CDROM, qui " tue " loeuvre, au moins lorsque le CDROM nest pas connecté. Ce qui montre quune oeuvre peut ne pas être limitée aux matériaux (objets et processus) qui la composent ou qui sont réalisés ou générés à la lecture. Les oeuvres littéraires informatiques travaillent, au moins pour partie dentre elles, sur le processus complet de communication, en incluant tous les éléments de méta-communication. " Tue-moi " est ainsi un piège-à-lecteur, dans la plus pure tradition dalire.
Mais pourquoi donc, me direz-vous, avoir créé un site local connecté aux sites des auteurs sur le CDROM, et ne pas lavoir transféré sur le WEB ? Tout simplement parce que mis à part le cas de " tue-moi ", ces oeuvres nont nul besoin du WEB. Elles utilisent, certes, linterface visuelle et logicielle du réseau, mais aucune autre caractéristique de ce dispositif. Pourquoi, dès lors, en limiter laccès au réseau ? Les sortir en améliore la fluidité, les ouvre sur dautres horizons, les décloisonne enfin pour les ouvrir au monde " réel " : le réel ne craint pas le réel.
Cette cohabitation entre un site local et des oeuvres de technique logicielle plus traditionnelle montre enfin la très grande cohérence entre ces oeuvres et les autres oeuvres dalire 11, non portables sur le réseau. Cest bien la première caractéristique de ce numéro, qui tranche avec lensemble des numéros précédents : sa très grande cohérence. Cohérence des styles tout dabord : le numéro est massivement composé doeuvres animées ou multimédia. Cohérence technique ensuite : pour la première fois lensemble (moins lune exception qui confirme la règle) des oeuvres est accessible sur les deux plates-formes : MAC et PC. Globalement tous les auteurs utilisent maintenant les mêmes outils logiciels. La standardisation à ce niveau semble totale. Mais elle ne rime pas avec nivellement des propositions. Signe que tout est en place, dorénavant, pour que la littérature informatique se développe pleinement, et, dirais-je, banalement. Comme tout champ constitué. Dans la créativité.
dernière mise à jour : 03/06/2000 |
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