alire : la rupture

Le numéro 0.1 d'alire fut créé le 16 janvier 1989 au centre Pompidou par les auteurs de l'équipe L.A.I.R.E.. Il s'agissait d'un livre objet qui comprenait des oeuvres littéraires exécutables sur disquettes informatiques. Le numéro 1, qui parut à la fin du même mois, reprenait les oeuvres sur disquettes, mais aucun des documents papier. Entre ces deux numéros un pas décisif avait été franchi en éliminant la forme du livre objet au profit d'un nouveau concept : "la revue d'écrits de source électronique". L'équipe L.A.I.R.E. affirmait brutalement la conscience de soi d'un nouveau champ de la littérature : la littérature informatique. Elle affirmait que des oeuvres sont conçues en tant que programmes, destinées à être lues sur écran et non en sortie imprimante. Elle affirmait même que ce champ était suffisamment large et mûr, qu'il nécessitait une revue, c'est à dire qu'il possédait des auteurs mais aussi des lecteurs. Pari osé à l'époque que de penser qu'un public pouvait utiliser l'ordinateur, ce robot sans âme, pour se laisser aller à lire de la poésie ! Que d'insultes avons-nous reçues en retour !

Un chercheur espagnol, Orlando Carreņo, établit en 1990 qu'alire constitue la plus ancienne revue en littérature informatique. Sa vigueur actuelle prouve combien les intuitions initiales étaient fécondes. Mais les caractéristiques de telles oeuvres, évidentes aujourd'hui, n'étaient pas encore admises à l'époque. Alire est ainsi le premier lieu d'expression poétique où s'est joué ce qui, aujourd'hui, tient déjà du lieu commun, en tout cas sur le réseau :
- l'écran est l'espace de la lecture : un espace-temps / espace-son.
- la lecture doit se concevoir relecture et non survol ou parcours.
- l'oeuvre est procédurale parce que programmée : l'auteur ne gère pas les moindres détails de ce qui est livré à la lecture ; il n'est plus auteur de ce que lit le lecteur, le fossé entre les deux s'est agrandi et nul lecteur ne peut affirmer avec certitude avoir "lu" le texte.
- la lecture reste une affaire privée et intimiste, ce qui autorise le développement de nouvelles formes fondées sur l'irréversibilité et la modulation des relectures, ce que ne permettent pas les installations d'art électronique fondées sur une exploration de l'interface.

La revue s'est peu à peu ouverte à de nouveaux auteurs, mais l'équipe L.A.I.R.E., réduite aujourd'hui à 4 membres, demeure comité de lecture et réalisatrice de la revue.

dernière mise à jour : 03/06/2000
Ph. Bootz, juin 2000
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